L'AVENTURIER DE L'ARCHE PERDUE

Jean-Claude Meynard - Portrait

« Jean-Claude Meynard - Portrait » 1988 - Bertrand Rieger

S’il existait une déesse de la peinture, Jean-Claude Meynard en serait sans aucun doute l’un de ses principaux idolâtres. Malheureusement, le monde entier a beau avoir eu ses Dieux de l’art, de l’Égypte, avec Thot, à la Grèce, avec Apollon, en passant par l’Inde, avec Ganesh et Lakshmï, il n’a jamais vu naître cette déesse spéciale. La peinture s’en est passée et Meynard l’a d’autant plus admis que lorsqu’il apprend à peindre, à la fin des années 60, la peinture est jugée moribonde. A défaut d’idolâtrie, sa passion croît qui l’entraîne vers ses premières expositions et séries (en 72). Autour du Pop Art d’abord, puis de l’hyperréalisme (73-74), Par lui, Meynard est entré en concept et commence à se pencher sur la disparition du sujet et de la figure, grâce à une distanciation froide et un travail de grande précision pour brouiller l’image. Celle-ci l’est d’ailleurs encore plus avec la série suivante, «Schizophrénie» (en 76) qui tente de mettre en accord une forme picturale et un sujet. En 77 «Série noire» pousse l’idée pour que seule la peinture donne une sensation de malaise et force le spectateur (clin d’oeil à Duchamp oblige: «ce sont les spectateurs qui font le tableau») à avoir un regard paranoïaque.

Sardanapal

« Sardanapal » 1988 - Jean-Claude Meynard

C’est la fin du sujet. Avec «La vie en jeu» (en 79), Meynard essaie alors, selon ses propres termes, de «faire vivre la peinture alors que le sujet était dépassé», par le biais des mises en scène et du mouvement. A partir delà, les jalons sont posés sur la piste de ce nomade : espace, mouvement, champs de force, matière, couleur, lumière. Seul le paysage changera, au fil des séries («Héros-dynamisme» en 82, «Corps-et-graphiques» en 83) pour favoriser le cadre d’une éventuelle renaissance du héros, du corps héroïque de la peinture, et tenter de maintenir le sujet hors de l’eau. Attaché à la peinture comme des survivants à un radeau, Jean-Claude Meynard croise alors Géricault, met le cap sur une nouvelle série...«Le Radeau des Muses» (à défaut de Déesse!) et appelle Sardanapale à la rescousse. Autant de sujets qui ne sont qu’une attitude (la modernité par la tradition), que des prétextes et des métaphores en abîme pour allumer le bûcher de la peinture. Mais en embrasant les mémoires, l’une individuelle (réflexion de sensations personnelles), l’autre collective (celle de l’histoire de l’art avec en phares le romantisme donc, mais aussi le futurisme, Boccioni en tête), il crée aussi une superbe dynamique. Et de cette collusion, de cette fusion émerge la figure idéale : la spirale. Celle qui sait allier énergie, vitesse, mouvement et ici violence chromatique pour élever le combat et draper l’ensemble d’une beauté rédemptrice qui fascine et pétrifie celui qui la regarde.

Henri-François Debailleux - juin 1988