LA SPIRALE, FIGURE IDÉALE

Muses I

« Muses I » 1986 - Jean-Claude Meynard

Inspiré d’un fait divers - le naufrage de la frégate Méduse en 1816 - le « Radeau de la Méduse » de Géricault est avant tout une plateforme métaphorique idéale. Au-delà de l’engagement personnel que suppose le choix du sujet, la toile navigue aussi bien sur l’évocation des conflits de l’époque que sur l’image d’une figure humaine ballotée entre la mort et l’espoir, reflet du « désespoir d’une génération sans guide».

Variations sur le « Radeau de la Méduse », le « Radeau des Muses » de Jean-Claude Meynard est avant tout une reprise de la métaphore en abîme. Loin de couler, le radeau suit son cours, qui focalise ici les mémoires, mémoire individuelle d’une part, celle d’une réflexion de sensations personnelles, mémoire collective d’autre part, celle de l’histoire de l’art avec en phares le romantisme et le futurisme (mouvement et couleur).

Le Radeau des Muses III

« Le Radeau des Muses III » 1986 - Jean-Claude Meynard

Deux mémoires sur un radeau, cela crée des vagues. Et des tourbillons. D’autant plus forts que les deux agissent comme des forces. En toute logique, leur choc, par effet de couple, va libérer une dynamique. Par son effet plus actif (élan de l’être) la première peut se rapprocher de la figure de la droite. Or si mathématiquement celle-ci est infinie, son dessin - le segment de droite - est toujours trop court pour pouvoir prétendre symboliser l’infini et inviter à sa poursuite. Par son effet plus passif (inconscient collectif) la seconde peut, elle, se rapprocher de la figure du cercle, que l’imagination peut parcourir sans jamais s’arrêter. Le cercle, boucle bouclée sur elle-même, sans commencement ni fin, qui constitue le symbole de l’absolu, de l’infini, de l’éternel retour, et ce, principalement sous la forme de l’ouroboros, le serpent qui se mord la queue. C’est l’absolu jouissant de lui-même, calme, se contentant de la plénitude de l’être. Dieu avant la création en somme. Mais cette création a eu lieu et il fallait donc à l’homme une image de l’absolu-infini qui soit plus dynamique et permette un mouvement de l’absolu hors de lui-même - la création - et un mouvement de cette création vers l’absolu. Exactement entre la dynamique de la droite et la passivité du cercle, se pointe la figure idéale la spirale.

Résultat de l’opération combinée de deux mouvements, la rotation d’une part, l’expansion ou la contraction d’autre part, la spirale devient mouvement vers la périphérie (centrifuge), qui fait éclater et diffuse, ou mouvement vers le centre (centripète) qui balaye et recentre le tout vers ce point (imaginaire) infini, de fuite, de suite, et de renaissance donc de survie. C’est parce qu’elle est aspirée, tendue vers ce point (l’espoir) que l’une des muses de Jean-Claude Meynard, au terme d’un combat épique et vital, va pouvoir s’en sortir. Et avec elle la peinture, puisqu’elle en est sa métaphore.

Henri-François Debailleux - avril 1986